1 février 2017

L’unité, un cadeau de Dieu

La Réforme protestante a profondément impacté le christianisme, ainsi que les nations du monde. Souvenons-nous cependant qu’elle est précédée par la longue histoire de courants réformateurs jamais taris, et qu’elle a été suivie par une non moins longue succession de réveils, jusqu’à nos jours. Et ce n’est probablement pas terminé… Ne parle-t-on pas aujourd’hui d’églises émergentes, d’églises de maison, de nouveaux modèles missionnaires, de renouveau liturgique, etc. ?

J’aime la belle expression du livre des Actes des Apôtres 5, 20, selon laquelle des anges, venus ouvrir aux apôtres les portes de leur prison, désignent l’évangile comme étant « les paroles de cette vie ». C’est un courant que rien ne peut arrêter, qui empêche de nous installer. Nous sommes tous des migrants, héritiers d’un peuple de nomades et d’un Seigneur itinérant !

Dans sa 2e lettre aux Corinthiens, Paul dit l’essentiel de l’événement survenu en Jésus-Christ. « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même. » Par la croix ont été détruites les représentations que l’humanité s’était faites de Dieu, chez les païens comme chez les Juifs.

La croix marque la fin des entreprises destinées nous justifier nous-mêmes devant Dieu. Ces entreprises nous divisaient, et nous conduisaient à nous juger les uns les autres. Là se trouvait la source de toutes les peurs, de toutes les exclusions, de tous les conflits. Cette source a été fermée, définitivement, sans retour possible, par la Croix du Christ. Par elle, Dieu a détruit la haine, le mur de séparation, et il a créé un seul homme nouveau.

Soit Juifs soit Grec, soit esclave soit libre, soit homme soit femme, vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ, dit l’apôtre. On ne peut pas mieux définir une réconciliation.

L’unité est le cadeau de Dieu, le don merveilleux de la Paix. Il nous appartient d’agir en conséquence. L’évangile de Jésus-Christ, c’est le message de la réconciliation. Paul déclare que Dieu nous a confié le service de la réconciliation, c’est-à-dire la prédication de l’évangile. Dieu s’investit à nos côtés pour que s’étende à tous les êtres humains la connaissance de l’évangile, puissance de salut pour quiconque croit. Et l’annonce de l’évangile ne se fait pas en paroles seulement. Mais aussi par des gestes d’amour et de fraternité, par l’action de l’Esprit et les signes qui en découlent.

Dans l’extrait de la 2e lettre aux Corinthiens, que nous venons de lire, la pensée de l’Apôtre progresse du niveau individuel vers le niveau communautaire, puis mondial.

Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature.

Et si, à l’occasion de cette semaine de prière pour l’Unité, nous prenions le temps de penser à l’unité du chrétien, à ce qui fonde l’être de chacun(e) d’entre nous, et qui le pacifie devant Dieu? Cette unité m’est donnée par la grâce de Jésus-Christ et par l’action de l’Esprit Saint, qui change nos cœurs de pierre en cœurs de chair, selon la belle annonce annonce du prophète Ezéchiel. Je ne serai capable de rencontrer vraiment les autres qu’en étant conscient de ce qui me justifie devant Dieu, par la foi seule. Par la foi dans la foi de Jésus-Christ. Le 500e anniversaire de l’action de Luther nous donne l’occasion de nous en souvenir tout particulièrement cette année.

Puis Paul passe à la première personne du pluriel :

Tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ et qui nous a donné le ministère de la réconciliation.

L’Evangile nous place devant Dieu comme fils et filles d’un unique Père, frères et sœurs d’une même famille. Ainsi, l’évangile relativise nos identités naturelles, familiales, sociales, confessionnelles, ethniques. Sans disparaître, elles ont perdu leur majuscule, leur caractère sacré, exclusif ou glorieux.

Le prophète Jérémie (9, 23), écrit : «  Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se glorifie de me connaître ». Cette écriture est reprise par Paul dans sa 1e lettre aux Corinthiens (1, 31), à une église morcelée en divers clans que l’apôtre cherche à réconcilier.

Même si les expressions du christianisme sont diverses, selon les temps et les cultures, et cela dès ses débuts, Dieu le voit comme un seul peuple. Un seul peuple de prêtres, de prophètes et de témoins, son peuple serviteur.

Le troisième niveau de l’exposé de Paul s’élargit au monde :

Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, en n’imputant point aux hommes leurs offenses, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. L’évangile est ce message de la réconciliation, offert à toute l’humanité. Nous sommes en ambassade, dit Paul, parmi les peuples. Nous sommes porteurs d’une invitation pressante : celle de consentir à la paix offerte dans le Christ. Ici se pose la question de notre crédibilité, ce qu’en termes diplomatiques on appelle des lettres de créance. Quel crédit accorder à un christianisme déchiré, voire en guerre contre lui-même comme ce fut le cas dans une histoire qu’on espère révolue à jamais ?

L’unité entre chrétiens se construit sur l’affirmation respectueuse et humble des convictions de chacun. Shafique Keshavjee, pasteur suisse d’origine indienne, parlait un jour des schismatiques et des symphoniques. Je le cite : « Les schismatiques disent : nous avons raison, les autres ont tort ! Les symphoniques disent : les autres ont leurs raisons et nous avons aussi nos torts ». Ceci pourrait nous aider à cheminer vers un témoignage commun rendu à la puissance de l’évangile.

Il faut le rappeler, une église primitive unique est un fantasme. Les Ecritures elles-mêmes témoignent de sa diversité dès le début. Il a fallu trouver des chemins de conciliation, il y eut aussi des ruptures, et des retrouvailles, et des disparitions, et des renaissances… nous connaissons bien cette histoire.

Pourtant, la volonté de Dieu demeure : « qu’ils soient tous un, afin que le monde croie que tu m’as envoyé ». Jn 17. Rechercher l’unité des chrétiens c’est rechercher d’abord l’intérêt du monde, qui a intérêt à croire notre message, car il est puissance de Dieu pour le sauver et le guérir tous les maux dont il souffre. Le croyons-nous encore ?

De là se pose la question de savoir comment communiquer la bonne nouvelle en des langues nouvelles, comme le jour de la Pentecôte. Le propre des ambassadeurs est de parler au moins la langue des pays où ils sont envoyés… La Pentecôte a montré que toutes les langues sont aptes à annoncer les merveilles de Dieu. C’est une forme de réconciliation des langues.

Alors, demandons et accueillons avec reconnaissance une pentecôte renouvelée, qui vienne transformer nos cœurs, qui vienne enlever leurs duretés, leurs jugements, et nous donner les langages de Dieu. Afin que le monde croie. Amen.
Laurent BÜRKI

Lorient le 25 janvier 2017. A l’occasion de la semaine de prière pour l’unité.